Un bon chef doit être capable de donner un feedback puissant et authentique, c’est-à-dire qu’il doit pouvoir saluer les côtés positifs de ses salariés, et aussi leur exprimer ses attentes et exprimer une éventuelle demande. Pleins feux sur le DESC, un outil particulièrement puissant.
Une des pires des situations pour un travailleur: remplir ses taches, jour après jour, et n’en avoir aucun retour, rien, nada. Vous arrivez le matin, vous vous mettez au boulot, vous rentrez chez vous le soir, sans que jamais votre manager, votre chef d’équipe ou n’importe quel de vos supérieurs ne vous fasse la moindre commentaire sur votre travail. Le bore-out, cette maladie dont on entend beaucoup parler ces temps-ci, est une maladie de l’ennui. L’ennui au boulot, la répétition de gestes sans sens, sans objectif, sans stimulation, sans possibilité de progression, sans relation à l’autre, à ses collègues ou ses supérieurs.
Une des pires situations pour un travailleur : remplir ses tâches et n’en avoir aucun retour.
Sans en arriver à cette situation extrême, certains chefs n’osent pas donner du feedback. Ils ne le conçoivent que nécessairement négatif et, parce qu’ils n’ont pas envie de blesser leurs salariés, ils préfèrent s’abstenir. Ils taisent ce qui ne va pas, de peur de pourrir l’ambiance ou de ne plus être aimés. Ils prennent de plus en plus sur eux, deviennent des candidats tout désignés au burn-out, cette maladie qui brûle les ressources, épuise l’organisme et l’âme. Ces chefs-là sont souvent de belles personnes, humainement parlant, mais de mauvais chefs.
Et puis, il y a ceux – les plus méchants, les plus frustrés aussi, sans doute – qui semblent jouir lorsqu’ils engueulent leur monde, lorsqu’ils démontrent par A + B tout ce qui ne va pas, lorsqu’ils mettent le doigt sur la faille de leurs collaborateurs.
Trois types de personnes très différents, aux intentions diverses. Mais trois mauvais leaders, qui menacent durablement la motivation de leurs équipes.
Indispensables signes de reconnaissance
Les travailleurs ont, en effet, besoin qu’on leur fasse un retour sur leur travail. Certains plus que d’autres. Ceux qui ont besoin d’une reconnaissance extérieure souffrent davantage que ceux qui sont très autonomes, indépendants, et qui ont une bonne opinion d’eux-mêmes. Dans ma carrière de journaliste, j’ai connu un collègue qui menaçait régulièrement de quitter le journal car il attendait vainement que le rédacteur en chef commente par le menu chacun de ses articles. D’autres, en revanche, plus sûrs d’eux, interprétaient l’absence de réaction comme une bonne nouvelle: « Si on ne me dit rien, c’est que c’était bien. » Mais quoi qu’il en soit, à un moment ou l’autre, tout salarié a besoin de savoir si son travail satisfait sa direction. Mieux vaut un feed-back négatif que rien du tout. Mieux vaut des reproches que l’indifférence. Du moins jusqu’à un certain point.
Le feedback positif: essentiel
Rien ne vaut un feed-back positif. Dire à son collaborateur: « Je suis heureux de ton boulot, ce que tu as fait là est particulièrement intéressant, je te félicite », est particulièrement stimulant. Encourager ses équipes, les tenir au courant des chiffres lorsqu’ils sont bons, des projets qui progressent ou aboutissent, des changements encourageants: rien de tel pour instaurer une ambiance de travail épanouissante, conviviale et où chacun donnera le meilleur de soi-même.
Ce n’est qu’en développant nos points forts que nous deviendront vraiment bons.
Ces feedback là, on les oublie souvent. C’est qu’on n’y pas culturellement habitués. Souvenez-vous de l’époque où vous étiez enfant. Vous rameniez votre bulletin à la maison. Sur quoi insistaient vos parents? Sur les mauvaises cotes. Les bonnes étaient considérées comme « normales »; les mauvaises comme inquiétantes, voire inacceptables. Bref, on est conditionnés comme cela. Nous sommes plus doués pour voir ce qui ne va pas, chez soi comme chez les autres, que ce qui va bien. Dommage, car ce n’est qu’en développant nos points forts que nous deviendrons vraiment bons; pas en essayant vaille que vaille de corriger nos points faibles. Et ainsi en va-t-il de nos équipes. Et si vous tentiez d’inverser la vapeur? Et si on s’essayait à féliciter plus qu’à réprimander?
Le feedback correctif: indispensable
Mais la vie d’un chef d’équipe n’est évidemment pas faite que de bonnes nouvelles, et son entourage n’est pas composé que de salariés efficaces et capables de prendre les bonnes initiatives en toutes circonstances. Il arrive que quelqu’un commette une erreur, ait une attitude incompatible avec le bon fonctionnement de l’équipe, ou change de comportement sans qu’on en connaisse la raison. Dans ce cas, un feedback correctif s’impose. Ne rien faire, ne rien dire, c’est prendre le risque que la situation s’envenime, que les relations au sein de l’équipe se dégradent, que les frustrations s’accumulent et que, finalement, les objectifs ne soient pas atteints.
Le DESC: utile dans tous les cas
D’accord, me direz-vous, mais comment faire? Comment s’y prendre? Se mettre en colère, vous l’avez déjà éprouvé, cela soulage parfois, mais ça ne dure pas et cela s’avère rarement efficace sur la durée. Passer un savon, exiger, donner des ordres, menacer, bof. C’est l’artillerie des « petits chefs ». De ceux qui manquent de leadership, c’est-à-dire de charisme et d’autorité naturelle.
Avez-vous déjà essayé le DESC?
D pour Décrire les faits, la situation, de la manière la plus objective possible. Evitez les généralisations telles que celle-ci « Tu arrives TOUJOURS en retard! ». Préférez: lundi, mardi et mercredi, tu es arrivé vingt minutes en retard. Et la semaine passée, c’était pareil. Du coup, le rapport que tu t’étais engagé à remettre pour hier n’est pas terminé. Je ne l’aurai pas à temps pour cette importante réunion de demain. » Cela, c’est du concret, du tangible, de l’observable.
E pour Emotion. Quoi?! Parler de ses émotions en entreprise, vous n’y pensez pas! Eh bien si, on y pense. Là, on parle pour soi. On parle en « Je ». Pas de « Tu qui tue ». Mais: « Je t’avoue que je me sens en colère. Si je t’avais parlé hier, je me serais probablement emporté, j’ai donc préféré attendre un jour avant de te parler. Je suis aussi très inconfortable à l’idée de ne pas pouvoir me baser sur ce rapport pour préparer ma réunion. Et puis, cette situation m’inquiète: que se passe-t-il?
Le feedback impose aussi de laissez la parole à l’autre
Vous venez de franchir les deux premiers pas les plus importants. Maintenant, vous allez laisser à l’autre, votre interlocuteur, l’occasion de s’exprimer, lui aussi. Lui permettre de décrire sa situation, ses émotions.
- « C’est mon gosse/ma femme/mon mari: il/elle est malade, je ne sais plus où donner de la tête, j’ai l’impression de perdre pied. » Ou bien: « Je ne m’en sors pas avec ce rapport, j’ai cru que j’allais y arriver mais au fur et à mesure que les jours passaient, je me suis rendu compte que je n’y arriverais pas. Alors j’ai perdu courage, et j’avais peur de me lever le matin ». Etc, etc.
Il se peut aussi que votre collaborateur se mure dans le silence, qu’il n’ait pas l’envie de vous livrer sa situation. Soit, il faut l’accepter.
Les deux dernières étapes
Reste à présent à mener à bien les deux dernières étapes: le S et le C du DESC.
S pour Solutions. Quelles solutions sont envisageables pour sortir de la situation problématique? Quelles sont les différentes options qui se présentent, au travailleur et au chef? Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour remédier au problème?
Vous serez généralement surpris: quand les deux premières étapes du DESC se déroulent dans le respect du cadre et de l’autre, l’étape « S » se déroule en général très facilement, et les personnes en présence se montrent souvent très créatives et de bonne volonté.
C pour Conséquences. Quelles peuvent être les conséquences éventuelles de ce que l’on vient de décider de mettre en place? Y a-t-il des risques que cela ne fonctionne pas, des obstacles que l’on devrait anticiper? Et si cela fonctionne, quelles seront les conséquences? Aurai-je ce rapport à temps pour cette réunion-ci, ou l’aurai-je à temps lors de la prochaine occasion?
Et, si finalement les actions décidées ne se réalisaient pas? Si le collègue auquel votre collaborateur était censé demander de l’aide ne répondait pas favorablement à la demande? Si le collaborateur ne tenait pas parole ou s’empêtrait davantage dans sa situation compliquée? Que se passerait-il alors? Y aurait-il des sanctions éventuelles? Un point noir dans le dossier d’évaluation? Un rappel à l’ordre écrit?
Ne rien faire, ne rien dire, c’est prendre le risque que la situation s’envenime.
Il arrive que l’étape « C » ne soit pas indiquée. A vous de juger. Tout est fonction du contexte, de la culture de l’entreprise, de la situation précise.
Pas de doute: le DESC est un outil puissant. Mais qui ne s’improvise pas. Il faut le préparer soigneusement. Au début, ce processus vous paraîtra peut-être un brin artificiel. Mais avec la pratique, il vous deviendra naturel. Et vous aurez renforcé votre leadership.